Quand le passé n'a plus raison d'être... | [PV Sergei ?]

La nuit avait été longue, le voyage aussi. Mais pour l'instant tout ce passait pour le mieux dans le meilleur des mondes, enfin c'était ce que Hell s'efforçait à croire, gardant ainsi le courage. Il ne fallait pas qu'elle baisse les bras. Non… jamais. Elle avait tout abandonné pour pouvoir accomplir cette vengeance, et maintenant qu'elle touchait au but, il ne fallait pas qu'elle renonce.
La journée s'avançait plutôt douce, et pourquoi pas ensoleillée. Hell sortit des chez elle, ne son petit appartement de banlieue. Elle avait été habituée à mieux, mais elle ne s'en plaignait pas pour autant. Car la seule chose qui l'effrayait c'était cette solitude qui commençait à lui peser et la peur de l'inconnu qui la rongeait. Elle était encore jeune, et peut-être pas forcément préparée à ce genre de situation, néanmoins elle ne reculait pas pour autant. Car depuis son arrivée elle ne faisait qu'avancer encore et encore, touchant du bout des ailes, son rêve, sa vengeance…
La ville était calme, enfin en apparence. Car elle se doutait bien que si le meurtrier de son père avait élu domicile en ces lieux, la raison était qu'il devait y trouver son compte. Elle le retrouverait, elle se l'était promis.
Baguenaudant ça et là, elle se frayait un passage dans la ville. Il y avait foule. Les gens tournaient, fourmillaient. Hell n'appréciait guère, elle avait l'impression d'être encerclée. Elle respira fortement, et vit un portail, un passage, se dernier menant à un parc. Elle traversa la rue, manqua de se faire écrasée car elle n'avait pas vu la voiture arrivée, et savoura l'espace d'un instant, la couleur verte des arbres et la délicieuse odeur de sève qui s'en échappait.
Doucement, elle se calma. Les battements de son cœur se firent moins brusque et sa respiration moins saccadée. On pouvait se demander ce qu'elle faisait ici, et pourquoi elle s'était mis en tête de tuer cet homme, car à première vue, Hell n'avait en aucun l'air d'une meurtrière… elle cachait bien son jeu. Elle avait souvent l'air apeurée, innocente, candide, que les gens ne s'en méfiaient que très rarement, et cela avait été leur dernière erreur.
Le père d'Hell avait vite compris qu'il arriverait tout de suite à ses fins grâce à son ange, et il n'avait jamais hésité à l'employer dans ses méfaits.
Un vent doux soufflait, balayant les branches des arbres du parc. Hell sourit, elle se sentait bien. Il n'y avait pas spécialement beaucoup de monde, et la nature la rappelait à sa terre natale. A cet instant, l'Espagne vint à lui manquait, les vastes étendues aussi.
Elle vit un banc, et s'y assit. Elle portait une robe assez simple, de longueur moyenne, et de couleur chair. Elle portait avec cela de petites chaussures montant en lacets autour de la cheville.
Elle s'adossa, et ferma les yeux, laissant le vent caresser son visage, et elle repensa aux étreintes de sa mère quand elle était enfant, et aux sourires réconfortants de son père.

*Si tu ne le fais pas pour moi, fais le pour toi…*

Elle y avait cru, innocente et inconsciente qu'elle avait été. Maintenant tout le monde était dans la merde, elle y comprit. Et elle savait pertinemment qu'elle n'aurait pas assez d'argent pour subvenir longtemps à ses besoins, et les poisons ne se fabriquaient pas d'eux-mêmes. Elle savait très bien qu'il s'agissait là d'un cercle vicieux. Elle était prisonnière…
Elle bailla, puis s'étira. Ses yeux se fermèrent doucement, et sa tête retomba tout en douceur sur son épaule.

Auparavant, Serguei s'autorisait rarement des temps de repos. Toujours sur le "feu de la scène", il passait son temps à ses... "affaires". A présent que son train de vie était devenu plus simple, il pouvait au moins se permettre une ballade dans le Geant Park, même s'il avait besoin d'argent, il ne pouvait pas enchainer coup sur coup sans risquer de se faire arrêter.
De plus, il commençait à percevoir les limites du travail en solo. Quand il était Boss de la mafia Russe, il avait organisé un braquage de banque. Cinq de ses hommes avaient perpetré le vol. Impossible de tenter de gros coup sans une équipe. Et dans une ville comme Karandras, une simple ballade pouvait vous faire trouver un équipier.

Alors que le Russe marchait tranquillement, il croisa le regard d'une jeune fille assise sur un banc. Elle était magnifique, mais ce ne fut pas cela qui intrigua Serguei. Après tout, il devait avoir au moins dix ans de plus qu'elle, et il n'était pas du genre à vouloir s'embarrasser de sentiments... ni d'envies plus corporelles.
Ce qui l'intrigua dans son regard pensif, c'était l'étincelle que l'on pouvait y voir. Une étincelle aussi puissante qu'inquiétante, du genre de celle qui brillait dans les yeux de ceux qui n'avaient pas peur de la mort... ou plutôt de ceux qui n'avaient pas peur de la donner.

Cette jeune femme n'était pas quelqu'un d'ordinaire, Serguei savait reconnaitre les marginaux. Il alla s'asseoir discrètement à ses côtés, sur le banc. En jean et en sweat shirt, il ne payait pas de mine -il était décidé à ne plus attirer l'attention sur lui avec ses costumes onéreux- mais après tout, il ne cherchait pas à lui plaire.
Sans même la regarder, Serguei se mit à lui parler :

"Nouvelle à Karandras non ?"

L'air perdu de la jeune fille rendait cette proposition évidente.

"Qu'est ce qui peut bien amener une jeune fille comme vous... Européenne non ? à venir dans une ville comme celle-ci ?"

Elle aurait pu s'endormir. Oui, tout à fait, elle aurait pu dormir, si quelqu'un n'était pas venu s'asseoir à côté d'elle. Ses yeux se rouvrirent doucement, lentement, mais elle, elle ne bougea pas. Ses mains se crispèrent, sans trop savoir vraiment pourquoi. Sa tête était penchée, et une mèche brune recouvrait son œil gauche, il lui était donc impossible de discerner qui avait pris place à ses côtés. Néanmoins, en utilisant son odorat, elle remarqua qu'il s'agissait là d'un homme. Un sourire amer se dessina sur son visage.
Que faire ? Continuer de l'ignorer ou au moins le regarder ? Il ne fallait pas qu'elle fasse de conneries. Même si ce n'était, en aucun cas, une question de vie ou de mort, elle restait tout de même sur ses gardes, car elle doutait grandement que cet homme soit un citoyen normal… enfin elle se comprenait.
Elle bailla, s'étira étroitement, et remettant sa mèche en place, jeta un bref coup d'œil sur l'homme. Il ne la regardait pas. Il était assis, voilà tout. Hell se redressa, collant son dos contre le dossier du banc. Ses jambes se décroisèrent, puis se recroisèrent dans l'autre sens. Fixant les arbres devant elle, elle ne dit rien, attendant peut-être. Quoi ? Elle n'en savait rien. Un signe. Une parole. Un geste. Ou peut-être rien du tout. Le poison était dans son sac, ainsi que les aiguilles. Elle était prête…
L'homme finit par l'aborder. Il lui sembla l'espace d'un instant, qu'il était russe, non ? Elle esquissa un sourire, et répondit sans se faire prier, mais tentant de garder un minimum d'anonymat, enfin si l'on pouvait qualifier cela de la sorte. D'une voix neutre, feutrée, et parfaitement sereine, elle lança :

"Peut-être bien…"

Elle était surprise de la question, et de l'intérêt soudain que lui portait cet homme. S'était-elle trahie d'une quelconque manière, ou son regard était-il devenu tellement sombre qu'à présent on pouvait y lire le nombre de ses victimes ?
Un sourire en coin vint se dessiner sur ses lèvres. L'homme poursuivit. Elle ne put s'empêcher de laisser échapper un rire tout ce qu'il y avait de plus charmant. Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire. Européenne, oui et alors ? Une fille comme elle. Une ville comme celle-ci. Son regard s'illumina. Pouvait-il comprendre ? Pouvait-elle lui dire ?
A présent, elle hésiter entre l'envoyer bouler, ou le baratiner. Qui sait ? Peut-être connaissait-il Balzano, ou encore le meurtrier de son père ?
Elle se retourna vers lui, le toisa un court instant. Puis plaçant ses mains devant elle, et fixant à nouveau les arbres, elle lança, courtoise :

"Et en quoi cela peut-il vous intéresser ? Une jeune fille comme moi. Une ville comme celle-ci. Que suis-je sensée comprendre par là ?"

Son regard tomba sur le sol, puis revint sur l'homme. Il semblait tellement commun, et pourtant elle se doutait bien qu'il n'était pas blanc comme neige. Il possédait de l'audace. C'était visible. Peut-être était-ce lui…
Non, il n'était pas russe.

Ses regards, ses paroles, son attitude, tout la trahissait, Serguei ne s'était pas trompé. C'était une tueuse, un peu inexperimentée à première vue, mais elle était si jeune... A première vue, elle devait avoir un flingue -Une arme en tout cas- dans son sac, il suffisait de voir comment elle le fixait avec anxiété.
Elle devait avoir beaucoup à cacher pour être à ce point sur ses gardes. De quoi, de qui avait-elle peur ? Après tout, Serguei s'en fichait, tout ce qu'il cherchait en elle, c'était une éventuelle complice qui lui permettrait de faire un coup assez violent pour qu'il puisse payer son loyer.

Il se frotta les mains tout en plongeant son regard dans celui de la jeune femme. Son air insolent voulait tout dire : elle était capable de le tuer ! Sa réponse tout aussi insolente confirmait l'hypothèse. Serguei lui fit le sourire charismatique dont il avait le secret. Il était décidé à y aller cash.

"Pour tout vous dire, le jour ou je suis arrivé ici, on a retrouvé le corps d'un chauffeur de taxi, le crâne explosé par une balle de .45, ce genre de scène est fréquente à Karandras."

Serguei venait, sans vraiment l'avouer, de lui compter son premier meurtre dans la ville. A l'époque, il cherchait à impressioner la branche américaine de la mafia Russe du coin. A présent, tout était différent, il bossait en solo.

"Et vous ? N'avez vous pas peur de tomber face à une telle scène ? A moins que, au contraire, vous ne soyez ici pour en voir une..."

Hell n'aimait pas ses réponses, ni ses questions d'ailleurs. Il était bien trop impertinent à son goût. C'est à ce moment là, qu'elle comprit que cet homme n'était pas n'importe qui, et qu'il serait sûrement à même de la comprendre, car ils se ressemblaient plus qu'elle ne l'aurait cru. Cet homme était un tueur. Il savait ce qu'il faisait. Il parlait de la mort avec une telle insensibilité, que Hell savait qu'elle ne pourrait se tromper. Elle était donc deux fois plus sur ses gardes. Pourquoi le meurtrier de son père avait-il élu domicile en ces lieux, il avait pas un coin encore plus paumé, non ? Hell fit une moue enfantine et regarda l'homme avec un semblant de dédain.
Il s'exprima alors, d'une voix claire, mais toujours neutre, et parfaitement pondérée :

« La mort fait partie de la vie... Alors pourquoi blâmer le pauvre homme qui a fait la peau à ce chauffer de taxi. Au fond, il n'a fait que lui rendre un bien grande service en lui permettant d'aller au royaume de morts de la sorte. Une balle, ça fait pas si mal que ça au fond.. si ? »

Un sourire étrange se dessina alors sur ses lèvres. Ca voulait à la fois tout et rien dire. Et en y réfléchissant un peu plus, elle se serait collé deux baffes. Elle repensa alors à la mort de son père. Peut-être que ce chauffeur de taxi avait eu, lui aussi, une famille, et une fille... Son sourire disparut, et son regard s'assombrit. Elle s'en voulait d'avoir sorti de telles âneries. Mais au fond, tout en elle était mitigé. A la fois meurtrière et pacifiste, elle n'avait plus rien de sensé.
Elle leva les yeux aux ciel. L'homme reprit alors la parole. Elle se retourna vers lui, et l'écouta avec attention. Il l'avait cerné, il avait réussi à voir en partie ce qu'elle était. Elle soupira, et lança, toujours mitigée :

« La mort n'a rien d'effrayant. Alors pourquoi aurai-je peur de la rencontrer ? Il faut plutôt penser aux souffrances encourues. Et pour répondre à votre question, je ne suis pas venu ici pour.. »

Elle s'arrêta net. Pourquoi était-elle venu ici au fait ? Ah oui, pour tuer le salopard qui avait enlevé la vie à son père. Non, elle ne n'était donc pas venu ici pour voir une telle scène, mais plutôt pour y participer. Car elle se doutait très bien de l'issu de cette confrontation. Ca serait soit lui, soit elle...
Elle se retourna vers le Russe, et poursuivit :

« Y participer serait plus dans mes attentes.. »

Maintenant, ils étaient au clair.

Parfait, rien à savoir de plus. Elle était prête à tuer, pire encore, elle venait pour cela. Serguei connaissait trop la mafia pour savoir qu'elle n'y appartenait pas. C'était une tueuse qui officiait seul, comme lui, ou comme la mante religieuse. Parfait, Serguei avait besoin d'une telle camarade de jeu.
Non pas pour former une équipe, mais juste pour faire un boulot ou deux, de temps en temps. Elle séduirait le garde du corps pendant que Serguei tuerait la cible, et ils partageraient les gains, un marché interessant pour les deux parties. Mieux valait éviter de parler clairement en public, Serguei préférait les sous-entendus... assez clairs pour être compris.

"Bien. Je sais que vous n'avez aucune raison de me faire confiance, mais après tout, je n'ai pas de raison de vous faire confiance non plus. Si vous voulez vous faire connaître, il faut oser de grands coups de bluff avec le destin. Des coups de bluff du genre : oser marcher main dans la main avec un inconnu."

Serguei fouilla dans sa veste en tendit un morceau de papier sur lequel était écrit un simple numéro de téléphone : le sien. Ni son nom, ni son adresse, ni rien d'autre, juste des numéros. Mieux valait rester le plus anonyme possible.

"La mort peut s'averer très lucrative dans cette ville... Mais aussi très dangereuse. Si jamais vous avez un travail interessant à me proposer, appelez-moi ! Nous travaillerons ensemble et partagerons les gains. Vous avez la beauté et la jeunesse et moi l'expérience et la force. Nous foremrions une équipe efficace. Sur ce, veuillez m'excuser, mais je n'ai pas fini ma ballade."

Après avoir donné son numéro, Serguei se leva et reprit sa route comme si de rien n'était, sans même jeter un dernier regard vers l'inconnue. Si jamais elle acceptait de l'appeler un jour, leur marché serait sans doute très profitable...

Hell lui avait avoué ce qu'elle désirait le plus, enfin partie. Donner la mort n'était pas un passe-temps, cela avait été son métier durant deux ans. Les choses avait toujours été très simples, mais carrées, aussi elle savait juste tuer. Elle n'était pas experte en situation dangereuse, et n'avait pas forcément une grande expérience du terrain. Son seul atout était son intelligence., la beauté n'en est plus un quand elle se fane. Elle préférait miser sur quelque chose qui ne l'abandonnerait pas.
L'homme reprit la parole. Elle comprit alors ce qu'il voulait. Les sous-entendus étaient parfaitement clairs. Elle n'avait aucune raison de lui faire confiance, mais pourquoi pas ? Après tout, elle avait bien fait confiance à son père, alors après ça, Elle pouvait faire confiance à n'importe qui...
Regardant l'homme, sérieuse, elle lança :

« Pourquoi pas... »

Il n'y avait rie à ajouter. Elle était d'accord avec lui. Elle n'aurait pas rêvé mieux. Car cet homme pourrait lui apporter l'expérience nécessaire pour tuer le meurtrier de son père. Hell ne demandait qu'à apprendre, voilà tout.
L'homme reprit la parole. Il avait raison une fois de plus. Il gagna alors une certaine estime auprès de Hell. Il lui donna alors un numéro. Son numéro. Hell le prit, et le mit dans son sac. Elle savait qu'elle en aurait besoin un jour ou l'autre c'était certain. Puis, elle se leva et partit. La regardant une dernière fois, elle en fit de même. Cette journée n'était pas si mal après tout. Elle, elle resta assise sur son banc. Elle n'avait pas encore envie de rentrer, et elle savait qu'un peu d'air frais ne lui ferait que le plus grand bien...

Sujet terminé

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